Je vous conseille d’écouter cette musique pour la lecture de la première partie.
https://www.youtube.com/watch?v=qBZPa-kLLCEC’est le cœur plutôt engourdi que Naaman se dirigeait vers la prairie aux senteurs. Il n’avait pas la mine joyeuse qu’il savait arborer quand tout allait bien, il n’avait pas ce sourire qu’il savait toujours donner aux autres pour les rassurer quand il le fallait. Il n’avait tout simplement pas besoin de se cacher, car il était seul. Ses pas sont légers dans les herbes jaunies par les récents gels. Mais cette prairie sentait toujours aussi bon.
Là, il la vit. Elle, l’amour de sa vie, la seule à savoir lui redonner le sourire. Celle qu’il avait aimé dès le premier regard. Celle qu’il avait mis du temps à comprendre qu’il ressentait pour elle plus que de l’affection. Celle pour qui il pourrait maintenant donner sa vie. Elle était là, de dos, assise sur le haut de la colline, fixant l’horizon. Le soleil couchant rasait celui-ci, lui donnant une allure encore plus magique. Il s’approcha sans bruit, et s’arrêta pour la regarder, une patte levée, collée à son poitrail immaculé.
Enfin, elle se retourne. Elle le reconnaît, ses yeux brillent. Elle l’aime, elle aussi.
Il s’avance et s’asseoit à côté d’elle. Il la détaille sans un mot. Son doux poil blanc flotte au vent frais qui arrive de face. Ses yeux bleus luisent. Elle semble heureuse. Alors, Naaman décide de garder pour lui tous ses ennuis. Gâcher cet éclat de vie dans ses yeux, c’est comme perdre du temps dans une vie. Du bonheur c’est toujours du plaisir, pour l’un comme pour l’autre, dans un couple. Et du temps, Naaman en a déjà assez perdu pour savoir comme les doux et vifs instants sont précieux. Il continue de la regarder. Si belle.
A ses pattes, rondes et félines, d’une blancheur éclatante, sa proie. Un lapin qu’elle a certainement chassé quelques minutes auparavant. Il est à moitié dévoré. Naaman remonte sa tête et lui sourit.
« Eh ! Sais-tu que c’est très impoli de dévisager quelqu’un comme ça ? » Dit-elle d’un ton faussement outré.
« Je ne peux pas m’en empêcher ! »
Si Naaman l’avait pu, il aurait rougit. Narya rit alors, de son joli rire cristallin, comme un verre de cristal que l’on brise ou comme le chant d’une rivière.
Elle se couche enfin pour terminer sa proie. Elle lui en propose.
« Non, merci. Je n’ai pas faim. » Répond sagement Naaman. En vérité, les récents évènements lui ont coupés l’appétit. Mais il ne veut pas l’inquiéter.
Elle mange avec beaucoup d’entrain, bientôt le squelette de la petite créature est nettoyé jusqu’à voir la parfaite blancheur des os. Le respect de la vie est tout pour elle. C’est pour ça qu’elle fut l’une des premières à fouler les territoires de la Lumière.
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Naaman et sa jolie promise marchent côte à côte. Ils sillonnent la prairie sur laquelle plusieurs de leurs rendez-vous se sont passés. Ils discutent, de tout, de rien. Ils sont innocents et naïfs dans ce beau moment. Il a oublié ses soucis. Il est heureux tout simplement.
« Alors, je ne t’ai pas beaucoup croisé ces derniers temps, que faisais-tu ?
- J’ai été assez occupé, j’ai aidé Naello à retrouver un nouveau souvenir. » Lui dit-il dans un sourire.
« Oh, mais comment fais-tu pour deviner à chaque fois ?!
- Alors, là ! Aucune idée ! J’ai peut-être un don !
- Un don pour découvrir les mystères du passé… Mmmh, ça te ressemble plutôt bien !
- Ah, tu ne crois pas si bien dire. »
Dans un soupir langoureux, elle se pencha vers lui et enfouit son museau dans sa longue fourrure. Lui aussi, il soupire. D’aise, parce qu’il se sent bien avec elle. Ils reprennent leur petite marche.
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Pour cette deuxième partie, je vous conseille cette mélodie…
https://www.youtube.com/watch?v=702_VYOQpAE« - Naaman, je me rends compte du cadeau immense que tu m’as fait en me nommant Chef de Guerre ! Aujourd’hui j’ai été entraîner Lexi à se battre. Elle était très motivée et j’ai vraiment adoré. »
Son ton était enthousiaste.
Si tu savais, je voudrais te donner une place bien plus haute… Mais tu n’es pas au courant pour Shaïna…
« Naa’, ça va ?
- Oh oui, oui, très bien, j’étais perdu dans une pensée.
- Je te disais à quel point j’étais heureuse ! Merci encore !
- Tu sais bien que la place la plus haute que tu occupes, c’est dans mon cœur. »
Encore un câlin, mais cette fois c’est le mâle blanc qui le lui donne. De toute façon, il lui donnerait le bon dieu sans concessions !
« Tu sais Narya, j’ai bien réfléchi.
- A quoi ?
- A nous. Je pense qu’on devrait l’annoncer à la meute. Ils seraient certainement très heureux de nous apprendre ensemble !
- Je ne sais pas si je suis prête… »
Soudain, elle trébuche. Et pourtant, il n’y a rien au sol. D’une voix qui a changée du tout au tout, elle lui dit :
« Naaman, j’ai la tête qui tourne… »
Il s’inquiète, sa voix apeurée lui brise le cœur. Il s’arrête. Pour la regarder. Elle a les yeux comme recouverts d’un voile. Et … elle tombe.
Naaman vit ça comme au ralenti, et pourtant tout s’accélère. Il la voit tomber lentement et pourtant il n’a pas le temps ni le réflexe de la rattraper. Sa chute provoque sur le sol un petit bruit sourd qui dans son esprit, fait le bruit d’une bombe. Les herbes autour d’elle ont légèrement bougé, mais pour Naaman c’est comme un raz-de-marée.
Soudain, il reprend ses esprits, elle est allongée sur le sol, les yeux clos, inconsciente.
C’est la panique, la vraie, celle qui vous prend aux tripes, qui s’empare de lui. Mais que lui est-il arrivé ? A elle et à cet instant ? Pourquoi ?
Il réfléchit, à toute vitesse, il rembobine comme on le ferait avec un film, tout ce qu’il a vu qui pourrait être…
Tout à coup, son regard se fixe sur le petit squelette blanc du lapin. Tout lui revint en mémoire comme une aiguille qui le transperce. Le poison, ses deux guerrières en très mauvais état, le soigneur qui disait ne pas avoir forcément de chance… Et elles n’avaient mangés qu’un tout petit morceau de leur proie, elles !
La rage prend à son tour la place dans son cœur ! Pas elle, pas Narya, c’est impossible ! Il se tourne vers son corps gisant là. Elle n’est pas morte, il le sent, elle respire tout doucement…
Mais pourquoi elle ne se réveille pas ?
Il l’appelle ! Il hurle. Il hurle son désespoir, son malheur qui a si vite remplacé le repos et le bonheur. Il mord la peau de son cou. Il la traîne, la secoue. Elle va se réveiller. Ou lui. Ce n’est qu’un cauchemar ! Tout ça n’est pas réel ! Elle ne peut pas mourir ! Elle va se réveiller !
Il serre les dents, mais pas assez pour faire couler le sang. Il veut qu’elle réagisse. Elle ne peut pas…
Mais rien ne se passe. La bouche toujours ancrée autour de la peau du cou de Narya, les larmes coulent toutes seules de ses yeux. Toutes ses larmes. Il ne crie plus. Ses larmes dévalent ses joues à une vitesse incroyable. Il a l’impression que la terre entière se dérobe sous ses pattes. Il lâche sa peau et enfouit son grand museau dans le poitrail de sa bien-aimée. Narya. Il est impossible qu’elle le laisse. Il ne pourra pas vivre sans elle. Pas maintenant. Ni jamais, il veut vivre avec elle.
Il a l’impression que tout s’écroule. Sa vie. Ses mots. Ses pensées. Sans elle, plus rien ne tient debout. Sa vie n’a plus aucun sens si elle n’est pas là.
Il la traîne, jusqu’à un ruisseau, l’arrose, dans un dernier espoir qui est vite mis à plat.
Elle ne se réveillera pas.
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Pour cette dernière partie, je vous conseille cette musique.
https://www.youtube.com/watch?v=THiq5pB2_cgA présent, il n’y a rien d’autre qui compte. Il faut essayer de la sauver. Il hisse son corps si fragile sur son dos. Il la garde bien calée sur ses solides épaules. En se tournant, il peut ainsi la regarder. Sa tête d’ange endormi. Les larmes parfois se tarissent, mais jamais son cœur ne cesse de saigner. Et les larmes reparaissent à nouveau dès qu’il la voit, comme ça, comme si elle était morte, sans vie.
Pourtant, au fond de lui, il garde un espoir. Elle va survivre, il le faut. Il lance aux cieux une prière silencieuse. Une prière d’amour et d’espoir qui vaudrait tout l’or du monde.
Il la veut, en vie. Il l’aime, c’est tout.
Alors, il prend la route. Il va aller à la tanière, et Clows va réussir à la soigner. Elle ne va pas perdre le mince fil rouge qu’elle tient encore entre ses pattes. Ce fil ne va pas casser car il s’appelle Vie, et que c’est la seule chose au monde que Narya aimait. Elle va s’accrocher à cette chance qu’on lui a offerte à la naissance. Elle est obligée, tout le monde sur cette terre à un rôle à jouer. Et son rôle à elle, c’est d’être aimée.
Tout le chemin, Naaman le passe dans le plus grand des silences. Il passe son temps à prier. Prier le Clan des Etoiles de l’aider. Il s’est retrouvé seul face à l’inconnu dans une prairie qu’il aimait, avec celle qu’il aimait. Les ancêtres pouvaient peut-être jouer sur quelque chose ? Naaman essayait d’y croire. Il lui fallait cet espoir.
Peu à peu, il vit la tanière apparaître au loin. Il faut la sauver.
Son corps, mou, pèse lourd sur le dos de Naaman. Mais il continue. Pas question de s’arrêter. Il ne veut pas. Il ne peut pas.
Enfin, le voilà arrivé. Il est à l’entrée de la tanière, celle où il a passé tant de temps…
Le temps… tout ce temps perdu. Tout ce temps qu’il aurait pu passer avec elle. Le temps, c’est toujours ce qui leur manquera. Il dépose Narya au sol, tout doucement. Comme une petite fille pose sa poupée pour aller la coucher. Comme un oiseau vient recouvrir ses œufs fragiles pour les couver. Comme un être à qui il tient.
Et il s’écroule, à ses côtés. De fatigue. De désespoir. A cause ces larmes salées qui ont envahies son âme.