« If you can't remember, reborn. »

« If you can't remember, reborn. »

Aaren. C'était son nom, à présent. Mais en vérité, était-il vraiment le siens ? Et si ce n'était pas le cas, à qui appartenait-il ? Et puis, d'où venait-elle ? Où était-elle ? La louve voulait savoir, elle voulait se rappeler, connaître son passé, son histoire, ses origines, Se connaître. Mais tout ça, elle ne le saurait certainement jamais. Au fond, c'était peut-être mieux ainsi. Son passé pouvait renfermer de lourds secrets, des choses qu'à l'heure actuelle, elle ne pourrait plus supporter. Quoique, vous me direz, en restant aussi sereine face à une telle situation, je doute que cela soit possible.

Les rayons du doux soleil traversaient le jeune feuillage des arbres tous aussi grands les uns que les autres, laissant quelques points de lumières plus ou moins grands dans une forêt remplie de verdure. Une forêt étrange ... Une forêt qui semblait gardé quelque chose au plus profond de ses entrailles. Comme si elle cachait tous les secrets de ces lieux ...

La demoiselle marchait d'un pas lent mais élégant sur un chemin dégagé. Ses oreilles étaient mobiles et bougeaient dans toutes les directions. Elle restait à l'affut du moindre danger. En effet, elle ne connaissant rien de ces terres, et cela la rendait plus vulnérable. Au loin, on entendait le fracas d'une cascade. Un point d'eau, donc ? La louve n'hésita pas un seul instant, se hâtant de s'y rendre. Comme on le dit, l'eau est source de vie. Enfin ... Elle est aussi source de mort. De toute manière, le bien apporte le mal, le mal apporte le bien.

La louve cendrée s'approcha de l'eau tout en gardant ses sens aux aguets. Lorsqu'elle posa son regard de sang sur le liquide, un sentiment étrange la parcouru. Un sentiment qu'elle ne connaissait pas. Aaren secoua la tête comme pour le faire fuir, puis dirigea sa tête vers l'eau pour en boire quelques gorgées.

Aaren recula de quelques pas, puis posa son arrière-train sur l'herbe humide qui entourait le point d'eau. L'ambiance de ces territoires étaient ... Disons ... Etranges. Enfin, d'un côté, c'était normal, puisque Aaren était perdue. Mais, c'était quelque chose d'autre ... Ce n'était surement qu'un sentiment.

La brise du vent qui se faufilait entre les arbres parvint jusqu'à la demoiselle, faisant dansé son pelage soyeux. Mais elle amena aussi une odeur, toujours inconnue qui plus est. La louve se leva et tourna le regard vers le chemin qui se trouvait derrière elle. Contrairement aux quelques minutes auparavant, Aaren n'était pas méfiante ni inquiète.

La noiraude se laissa engloutir par les feuillages, suivant attentivement des yeux la forme qui passait devant elle.

Sêr avait toujours aimé la forêt. Pour elle qui avait élevé le camouflage au rand d'art, la forêt était un terrain de jeu aux possibilités infinies. Chaque arbre, chaque buisson, chaque tas de feuilles offrait une possibilité. Elle se fondait dans l'ombre des arbres, glissait entre les feuillages, disparaissait sous les feuilles mortes. Sêr ne vivait pas dans la forêt, elle était la forêt.

La louve claire passa sans la voir, la noiraude ayant pris soin de se mettre contre le vent. Elle flaira doucement l'odeur que la brise légère lui apportait. Sapin. Sel. Sueur. L'autre avait marché un moment, mais ne semblait pas chercher quelque chose ou fuir. Que voulait-elle ? Qu'espérait-elle ? Sêr connaissait l'endroit où menait ce chemin pour s'y plaire des après-midi entières, à regretter les quelques mois de bonheur vécus avec Neo. Elle ferma ses paupières couleur de charbon. Il fallait oublier Neo. Il l'avait abandonnée, chassée, rejetée comme tous les autres. Neo était mort. Il ne restait qu'un loup gris dont le souvenir des crocs harcelant sa chair appelait à la vengeance. Un jour. Un jour viendrait où elle trancherait la gorge de ces traître de ses propres crocs. Patience.

Lorsque l'autre fut suffisamment éloignée, Sêr sortit de sa cachette, et la suivit lentement. Cela faisait plusieurs jours déjà qu'elle suivait cette Vagabonde qui errait sans but sur ces terres que la louve noire connaissait si bien. Sêr avait fini, piquée par la curiosité, à la suivre patiemment, sans que l'autre ne le remarque, apparement. Marchant d'un pas souple, ses pattes entrant en contact avec le sol sans un bruit, Sêr observa un moment l'inconnue. Que cherchait-elle ? Que voulait-elle ? elle semblait perdue, et sur ces terres, il ne faisait pas bon être perdu. Le danger guettait à chaque instant, à chaque détour de chemin, prêt à vous envoyer droit vers les enfers.

Perdue dans ses pensées, la louve ne détecta pas le changement brusque de vent, qui trahit sa présence. Elle ne s'en rendit compte que trop tard, lorsque la louve claire tourna la tête vers elle et croisa du sien le regard azur de la noiraude. Elle serra les dents. Elle détestait être découverte. Sêr aimait se cacher, voir sans être vue.

Résignée, elle s'approcha lentement, sa petite silhouette glissant hors de l'abri qu'offrait l'ombre du chemin boisé. Sêr n'en avait jamais imposé, trop petite et trop fine pour paraître dangereuse physiquement. Son regard bleu ciel transperça celui de l'inconnue, avec qui elle maintenait une distance prudente.

« Alors, la cascade t'a-t-elle apporté les réponses que tu cherchais ? »

Les loups venaient toujours ici parce qu'il émanait de cette cascade une force étrange. On disait de cette eau qu'elle ravivait le passé, et donnait des réponses aux questions que certains se posaient sur ce qu'ils avaient été. Vérité ou simple mythe ? Sêr y croyait.

« If you can't remember, reborn. »

Ce fut le regard azur d'une petite louve au pelage de jais que la louve croisa. Elle était petite, n'ayant pas l'once d'un muscle. En gros, c'était une gringalette. Mais, son pelage d'ébène et ses yeux d'un bleu pur comme vous ne pourriez l'imaginer, eux, étaient splendides. Mais son allure chétive et son certain poids plume devait la rendre incroyablement discrète ... La rendre ... Non, puisqu'elle l'était. En effet, Aaren avait bien compris qu'elle s'était faite pistée par cette inconnue. Depuis combien de temps l'aurait-elle suivie ? La demoiselle préférait ne pas le savoir. Elle avait été trop distraite, et se le dire était une torture pour elle.

L'inconnue s'approcha lentement de la cendrée avant de s'arrêter à une distance respectable d'elle. Cette louve, au moins, restait prudente. Vous me direz, vu sa taille par rapport à Aaren, c'était tout de même préférable, surtout vu comment la demoiselle est capable de se comporter. Mais, moi, je vous répondrais que les apparences sont trompeuses. Ce genre de p'tites choses sont plus rapides, plus agiles, mais aussi et surtout beaucoup plus discret.

Malgré tout, Aaren gardait une posture tout à fait neutre. Aucune méfiance, aucune inquiétude, aucune agressivité n'apparaissait dans son attitude, même si au fond d'elle, elle restait sur ses gardes.

« Alors, la cascade t'a-t-elle apporté les réponses que tu cherchais ? » prononça la louve brune. Les sourcils de la demoiselle cendrée se froncèrent. En effet, elle ne savait pas de quoi parler l'inconnue. Au fond, Aaren était perdue, elle ne connaissait même pas le nom de ces lieux. Lieux en lesquels régnaient une ambiance étrange. Comme une force profonde. Peut-être que cette eau si pure était capable de révéler certains secrets ? Ces choses étaient-elles réellement possibles ?

« Devrait-elle m'en donner ? »

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« Devrait-elle m'en donner ? »

La louve noire pointa les oreilles en avant, ses muscles se détendirent légèrement. Derrière cette apparence maigrichonne, Sêr était une boule de nerfs hyper-réactive. Parce que c'était son seul moyen de survivre. parce qu'elle avait toujours été le souffre-douleur, et qu'elle ne devait sa vie qu'à l'enseignement de ses parents d'adoption et à sa capacité d'apprentissage. Ses parents... L'image ternie du vieux loup gris, sage parmi les sages, respecté chez les Light, flotta un instant dans sa mémoire. Un traître, oui... Un clignement d'yeux chassa le voile du passé qui avait couvert ses pupilles azur.

« On dit que cette eau est le miroir des souvenirs... »

La noiraude avait légèrement baissé sa garde, mais restait toujours méfiante -mais cet état de méfiance perpétuel, elle ne l'abandonnait jamais vraiment- vis-à-vis de l'inconnue. L'autre était une grande blanche, visiblement nettement plus forte qu'elle. Si elle révélait plus hostile qu'elle ne voulait bien le laisser paraître, Sêr devrait comme toujours, compenser sa petite taille par sa réactivité et sa vitesse. Mais en attendant, la louve cendrée semblait calme et pas agressive pour un sou. Alors Sêr se radoucit légèrement, ses quatre pattes plantes droites dans le sol, faisant face à l'inconnue, ses pupilles couleur ciel plantées dans les siennes.

« Tu n'es pas d'ici. »

Ce n'était pas une question. Ou alors, si l'autre était d'ici, elle ne se souvenait de rien, mais cela Sêr avait du mal à le concevoir. Et après l'avoir suivie un certain temps, la noiraude s'était rendu compte que cette louve intrigante découvrait l'endroit à chaque pas. Le problème était que, sur ces terres, le danger ne vous épargnait jamais. c'était d'ailleurs un miracle que la cendrée ait réussi à traverser tous ces chemins sans encombres.

Sêr continuait de la scruter. Un rayon de soleil balaya doucement le pelage foncé de Sêr, révélant sur le noir jais des reflets de bruns et des traits de gris.

« J'ignore ce que tu cherches, mais je voulais simplement t'avertir que ces terres ne sont pas aussi accueillantes qu'elles en ont l'air. Ses habitants le sont encore moins... »

Il n'y avait rien d'alarmiste dans le ton de Sêr. Pas d'avertissement, pas de menace, pas de leçon de morale. Simplement un fait, un conseil, donné de Vagabonde à Vagabonde. Pourquoi Sêr s'intéressait à cette louve étrange et inconnue ? Elle-même l'ignorait...

« If you can't remember, reborn. »

« On dit que cette eau est le miroir des souvenirs... ».

La petite louve semblait s'être adoucie. Elle avait l'air moins méfiante, même si elle l'était toujours. Encore une fois : quoi de plus normal ? Elles étaient toutes deux le contraire de l'autre. L'une était de bonne taille, bien bâtie, un pelage blanc aux quelques zones grisonnantes et possédait des yeux aux teintes sanglantes. L'autre était gringalette : petite, peu musclée, possédant un pelage aussi sombre qu'une nuit sans étoile et des yeux d'un bleu à vous transpercer l'âme. Oui, c'était ça, le contraire de l'autre. Elles étaient comme le feu et la glace, le noir et le blanc.

L'inconnue planta son regard dans celui d'Aaren, continuant à parler. « Tu n'es pas d'ici ». Non, ce n'était pas une question, mais bel et bien une affirmation. Je dirais même une certitude de la part de la noiraude. Un bref sourire se dessina au coin de la bouche de la cendrée, qui ne tarda pas à poser son arrière-train sur le sol humide. Elle baissait sa garde ? Pas vraiment. Elle savait que cette louve ne lui ferait rien, tant qu'elle non plus ne bronchait pas.

Quelques rayons du soleil traversèrent le feuillage des arbres, faisant apparaître sur le pelage de l'étrangère des reflets brunes et des traits grisonnants. La vagabonde regardait attentivement la louve noire, attendant la suite. « J'ignore ce que tu cherches, mais je voulais simplement t'avertir que ces terres ne sont pas aussi accueillantes qu'elles en ont l'air. Ses habitants le sont encore moins... ». Cette fois-ci, c'est un rictus qui sortit de la gueule de la cendrée.

« Des souvenirs ... J'en aurais bien besoin. Sincèrement, je ne sais pas si je suis d'ici. Je ne sais même pas qui je su .... Qui j'étais. » Oui, c'était ça. Qui elle avait pu être. Car tout cela, c'était avant. Devait-elle totalement fermer la porte à sa mémoire ? Moi, je vous répondrais que non, mais Aaren n'était pas du même avis. Même si une part d'elle voulait savoir, elle préférait oubliée. « Que veux-tu que je cherche ? Je ne sais rien. Rien d'ici. Même pas le nom de ces terres, ni de ces lieux. Et en effet, si je ne sais rien, je devrais être moins distraite. Ça pourrait bien me coûter la vie. »

♫

Désabusée. Perdue. Troublée. Cette louve était une énigme vivante. Sêr, qui n'avait habituellement aucun mal à détecter qui était l'être en face d'elle, n'arrivait à définir à quel genre de personne elle parlait.

« Des souvenirs ... J'en aurais bien besoin. Sincèrement, je ne sais pas si je suis d'ici. Je ne sais même pas qui je su .... Qui j'étais. »

La louve sombre retint un rictus. Elle commençait à comprendre... Mais qui savait vraiment qui il était ? Elle avait toujours été le mouton noir. Elle croyait appartenir à un clan, à une famille... Et en fait elle n'était qu'un louveteau orphelin, retrouvée à demi-morte dans la neige teintée du sang de sa mère. Qui était-elle vraiment ? Qui était son père ? Avait-elle des frères ? Des loups qui avaient pleuré sa disparition ? Ses yeux clairs se perdirent un instant dans la contemplation de l'eau qui tombait en elle-même, de cette eau à qui tant s'adressaient dans l'espoir de pouvoir recroiser un regard qu'il avaient chéri, revoir un être qu'ils avaient aimé, dire adieu à un être qu'ils avaient perdu.

« Que veux-tu que je cherche ? Je ne sais rien. Rien d'ici. Même pas le nom de ces terres, ni de ces lieux. Et en effet, si je ne sais rien, je devrais être moins distraite. Ça pourrait bien me coûter la vie. »

Les iris bleus purs de Sêr se posèrent de nouveau sur la louve cendrée. Elle n'imaginait pas combien Sêr savait ce que ça faisait de ne pas savoir. De chercher. De se dire qui suis-je. De chercher encore. Mais la louve noire avait rapidement appris que se lancer dans cette quête folle était inutile. Tous l'avaient déjà oublié de l'autre côté, et dans la meute qui l'avait élevée tous les rejetaient. Alors Sêr avait compris que le passé et les origines sont un poids qu'on traîne toujours, et avait décidé de disparaître et de se définir par elle-même.

La louve noire se relâcha légèrement, posant son postérieur sur le sol humide, mais elle garda la tête haute. Sêr ne se soumettait jamais. Elle ne baissait jamais la tête. Baisser la tête, ça voulait dire accepter que quelqu'un ait du pouvoir sur vous. Et la noiraude savait ce que c'était que subir des abus de pouvoir. Alors elle ne baisserait plus jamais la tête.

« Je ne cherche pas à te dicter ta conduite. Fais ce que tu veux, je m'en fiche éperdument. »

Ce qui était entièrement vrai. Sêr l'avait suivie parce que l'autre l'avait intriguée, mais si celle-ci s'était fait bouffer, la noire n'aurait pas bougé une griffe. On appelait cela l'instinct de survie.

« Simplement, dans le coin ils sont très très portés frontières, clans, et ils ont le coup de croc facile. »

Son regard se détacha de l'autre, et elle bondit en avant d'un geste souple, droit vers son interlocutrice. Mais dès qu'elle fut debout, elle bifurqua et se dirigea en trottinant vers le petit bassin qu'alimentait la cascade. Plongeant sans hésiter le museau dedans, elle but le liquide à grande goulées. Eau des souvenirs, c'est ça oui. Sêr avait toujours eu un côté très terre-à-terre, surtout depuis un an ou deux. Elle releva la tête et lapa les quelques gouttes qui s'attardaient sur sa truffe, avant de se tourner la tête vers la cendrée, qui se trouvait maintenant sur son côté.